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LE TIR DE COMBAT AU PISTOLET (1)

  • David C
  • 18 déc.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Aux sources du tir de combat : évolution des armes et des techniques

Officiers de la Royal Navy à l’entraînement au début du XXe siècle
Officiers de la Royal Navy à l’entraînement au début du XXe siècle

N’en déplaise aux hoplophobes, les armes sont aussi vieilles que l’homme. A l’aube de l’humanité, alors que des primates devenaient les hominidés qui allaient devenir à leur tour l’être humain, le premier outil dont se servit l’un d’entre eux fut un fémur ou tout autre os long et solide qu’il utilisa comme arme pour chasser et se défendre voire attaquer ses semblables. L’introduction du film « 2001 Odyssée de l’Espace » de Stanley KUBRICK l’illustre de manière magistrale. Comme l’a dit le célèbre anthropologue Raymond Arthur DART : « ce n’est pas l'homme qui a fait l'arme, c'est l'arme qui a fait l'homme ».

A l’issue de centaines de milliers d’années d’évolution, ayant perfectionné leurs armes de contact ou de jet (couteaux, haches, épée, lances, arcs et arbalètes) à un niveau impressionnant, les hommes inventèrent des techniques de combat en attaque et en défense, à pied et à cheval toujours plus perfectionnées et efficaces. La position de corps que prenait le guerrier dépendait de l’arme utilisée : le corps face à l’ennemi, les pieds dirigés vers lui pour l’usage de l’épée ; le corps de profil et hanches pivotées, les pieds à 45 ou 90° par rapport à la cible pour l’usage de l’arc.

canon à main ou couleuvrine
canon à main ou couleuvrine

 

Puis vint la poudre à canon…

Les premières armes à feu portatives à être utilisées apparurent dans la deuxième moitié du XIVe siècle, il s’agissait des canons à main ou couleuvrines. C’était des armes lourdes et difficiles à mettre en œuvre, la position d’utilisation se faisant souvent comme celle du tir à l’arc et la mise à feu se faisant en présentant devant la charge une mèche ou de l’amadou allumé appelé serpentin, il fallait de ce fait utiliser ses deux mains ou faire appel à un assistant.


La platine à mèche apparue vers 1400. Sur ce mécanisme de platine le chien en « S » maintenait la mèche allumée, l’action sur la détente libérait le chien et la mèche venait s’écraser sur le pulvérin (poudre à canon fine) dans le bassinet mettant feu à la charge principale.  L’ensemble de ces opérations en ne faisant usage que d’une seule main.

Les premières armes à feu de poing pouvaient naître, elles apparurent à la fin du XVe siècle pour être connues par la suite sous le nom de pistolet.

La possibilité de faire feu d’une seule main fera du pistolet une arme de cavalerie puisque la main non armée pouvait tenir les rênes du cheval.

Il sera par la suite adopté par les officiers des autres armes, leurs fonctions réelles étant plus dédiées au commandement et à la manœuvre de la troupe qu’au tir individuel, le pistolet devint ainsi un symbole d’autorité.

Les armuriers ne cessèrent de perfectionner les mécanismes de mise à feu en inventant les platines à rouet, à chenapan, à miquelet, à silex puis à percussion, ce dont bénéficia le pistolet.

Néanmoins, son usage au combat restait confidentiel par rapport aux mousquets et fusils qui dominaient le champ de bataille et qui voyaient ainsi leurs techniques d’emploi et d’usage au combat sans cesse amélioré.

 

Duelliste des débuts du XIXe siècle
Duelliste des débuts du XIXe siècle

C’est paradoxalement un usage « civil », le duel qui visait à régler un différend ou une question d’honneur bafoué au sein de la bonne société qui donna au pistolet ses premières techniques d’utilisation au combat : tir à bras franc à 20 ou 30 pas de distance, tir visé d’un seul coup de feu au commandement du directeur de combat, interdiction de bouger après avoir tiré, position de tir effacée de profil pour offrir la plus petite surface de corps à l’adversaire, importance capitale de la précision du tir et de ce fait d’avoir des armes précises.

Officier français de 1978
Officier français de 1978

Pendant plus d’un siècle, cette position de tir au pistolet, pourtant originellement dédiée à une forme d’affrontement très réglementé, et de ce fait bien peu adaptée à un combat réel pour lequel aucune règle n’est respectée, sera enseignée comme technique de tir au pistolet dans de nombreuses armées.


L’évolution technologique de l’arme de poing au XIXe siècle, le pistolet à silex puis à percussion à un coup cédant la place au revolver à plusieurs coups se chargeant par l’avant du barillet (Colt Paterson 1836, Colt 1851 Navy, Remington 1860, …) puis au revolver à cartouches métalliques (Colt SAA 1873, Smith & Wesson n°3, ...) se chargeant plus rapidement fit évoluer les techniques de tir, en particulier dans la jeune nation des Etats-Unis d’Amérique dont les colons se lançaient dans la conquête de l’ouest sauvage.


Bien que ces revolvers puissent tirer 5 ou 6 coups consécutifs, ils fonctionnaient à poudre noire et produisaient de ce fait beaucoup de fumée, rendant difficile la visée pour les coups suivants le premier tir. Ainsi la précision du premier tir et la vitesse du dégainé du revolver devenaient des paramètres importants dans une fusillade.


C’est pourquoi les gunfighters ou pistoleros développèrent leurs propres techniques et un programme d’entraînement régulier au tir.

Colt 1851 Navy cal.36
Colt 1851 Navy cal.36

Cependant il ne faut pas croire que leurs techniques ressemblaient au tir de type « fast draw »(dégainé rapide) popularisé par les westerns hollywoodiens avec un revolver jaillissant comme l’éclair d’un holster très ouvert et porté bas sur la cuisse, suivi d’un tir à une main accompli l’arme à hauteur de la hanche pour toucher un adversaire à 20 pas de distance, l’autre main réarmant le chien du Colt SAA cal.45 LC* avec la cadence de tir d’un pistolet-mitrailleur…


                                                     Le « Fast Draw »
                                                     Le « Fast Draw »

Le duel debout face à face en « fast draw » avec un tir depuis la hanche n’a aucun sens, les deux adversaires se seraient fort probablement mutuellement abattus en tirant simultanément. De plus, être seulement blessé à cette époque aurait fortement entraîné des conséquences dramatiques comme une gangrène ou une septicémie. La plupart des fusillades se déroulaient en alignant les instruments de visée de l’arme pour viser sa cible, voire en se faufilant derrière son adversaire pour lui tirer dans le dos.


Dans la réalité, le holster était souvent très enveloppant (voire fermé) et porté haut sur la hanche dans le but d’éviter sa perte ou son vol (un revolver était une arme très chère et difficile à se procurer).


La position de tir classique restait la plus employée : le tir se faisant à une main avec le bras armé tendu en direction de la cible et la prise de visée au niveau du regard, la hanche du côté armé étant inclinée vers l’adversaire en suivant le mouvement de la main armée, l'autre main reposant sur l'autre hanche, ou laissée libre le long du corps, avec les pieds écartés pour plus de stabilité.

 

« Fight in the Street » par Frederic Remington
« Fight in the Street » par Frederic Remington

* Colt Single Action Army model 1873 calibre 45 Long Colt, adopté par l’armée américaine en 1873. revolver symbolique de la Conquête de l’Ouest et omniprésent dans les films de type Western.


James Butler HICKOK dit « Wild Bill Hickok »
James Butler HICKOK dit « Wild Bill Hickok »

Le tir avec utilisation des deux mains était quasi inexistant d’après les différents récits que nous avons pu étudier sur cette époque. Cependant certains historiens rapportent que le célèbre gunfighter James Butler Hickok dit « Wild Bill Hickok » (1837 – 1876) tua lors d’un affrontement armé en 1865 le nommé Davis Tutt d'un seul coup de feu à longue distance (les témoins disent 75 yards* !) en utilisant ses deux bras pour stabiliser son revolver Colt Navy 1851 cal.36.

Les personnes ayant assisté à cet affrontement déclarèrent l’avoir vu poser le canon de son revolver sur son avant-bras ou placer sa main armée au creux du coude de son bras gauche avant de tirer sur Davis Tutt.

L’utilisation de la main dite faible ou du bras de support pour tenir une arme habituellement tenue d’une seule main venait de faire sa première apparition répertoriée.


*68,58 mètres


Wyatt Berry Stapp Earp dit Wyatt Earp
Wyatt Berry Stapp Earp dit Wyatt Earp

Wyatt Berry Stapp Earp dit Wyatt Earp (1848 – 1929) exerça les fonctions d’officier de police et de marshall durant sa longue carrière. Il participa à de nombreuses fusillades dont la plus célèbre fut celle d’O.K. Corral à Tombstone en 1881 aux côtés de ses frères Virgil et Morgan et de son ami Doc Hollyday.

Ayant survécu à tous ces affrontements sans être sérieusement blessé, il a donné au cours de sa vie les conseils suivants quant au combat à l’arme de poing :

 


1. « Aucun homme sage n’a jamais pris une arme de poing dans une fusillade ».

Earp veut dire que si vous savez à l’avance que vous allez être confronté à une fusillade, apportez un fusil de chasse ou une carabine. Vous n’êtes pas là pour vous battre équitablement selon des règles, vous vous battez pour gagner car il en va de votre vie.

 

2. « La leçon la plus importante que j’ai apprise, c’est que le vainqueur dans une fusillade était généralement celui qui prenait son temps. La seconde était que si j’espérais survivre sur la Frontière, il fallait fuir les exercices de tir  spectaculaires ou complexes, fuir les concours de tir, comme on doit fuir du poison. Dans toute ma vie d’officier de paix sur la Frontière, je n’ai jamais connu un tireur compétent qui n’avait pas de mépris pour un tireur qui tire depuis sa hanche. »

Earp illustre ici le dicton « slow is smooth, smooth is fast » (lent c'est fluide, fluide c'est rapide), les techniques de tir trop complexes ou destinées à épater la galerie sont mortelles… pour celui qui les utilise ! Et enfin, les armes à feu ont des instruments de visée pour une raison : il faut les utiliser pour tirer juste.

 

3. « La rapidité, c’est bien, mais la précision, c’est tout... »

Encore une fois Wyatt Earp martèle qu’un tir très rapide mais loupé n’a jamais sauvé personne. Il veut dire qu’il faut prendre le temps de viser et presser correctement la détente pour s’assurer de la mise hors de combat de l’adversaire.

 

5. « Tirer sur un homme qui vous retourne le même compliment, c’est agir avec le maximum de rapidité dont vos muscles sont capables, en restant mentalement impassible, sans être pris par l’envie de se dépêcher ou de réaliser les actions compliquées qui sont issues des différentes techniques complexes de tir ».

Wyatt Earp évoque ici l’importance du mental dans un affrontement armé et le fait de ne pas céder à la panique ou l’excitation. Il expose aussi sa vision négative des techniques de tir trop complexes, plus faites pour le spectacle que pour survivre à un véritable affrontement.


Dans cette jeune nation qu’étaient les Etats-Unis d’Amérique de la fin du XIXe siècle, un pays dans lequel le port d’une arme de poing était fréquent, il y avait très peu de méthode de formation officielle sur l’usage des armes de poing hormis celles parfois enseignées dans un cadre militaire. Les porteurs de pistolet apprenaient leurs propres techniques de tir sur le terrain, ils apprenaient à en faire usage par une expérience personnelle qui souvent était dû au fait de leur participation active à un conflit ou d’une activité d’agent de la loi ou parfois de hors la loi…


Hors des cas particuliers de gunfighters légendaires tels Wild Bill Hickok, Wyatt Earp et autres Jesse James, la technique de tir de combat restait celle qui demandait de  rester debout en pointant son arme tenue à bras franc en direction de son adversaire. Elle allait le rester encore longtemps !


La suite au prochain épisode...


David C

Associé Co-fondateur



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